Aujourd'hui, journée de grand vent. Pour les derniers 95km qui nous séparent de la capitale, il n'y a rien à part les poteaux électriques qui suivent les courbes des collines de la steppe. Le noir de l'asphalte se perd à l'horizon en se mélangeant avec l'immense azure du ciel et la mer jaune de ce paysage désertique. Complice avec Tiphaine, Ginevra et John, nous nous aidons à tour de rôle en pédalant les uns derrière les autres. Chacun notre tour nous prenons la tête du peloton. Quand la route le permet nous nous mettons en formation diagonale pour couper le vent violent qui arrive du nord. La monotonie de la steppe est rompue à l'improviste. Un tournant et voilà que le bleu de la mer Caspienne s'invite dans le paysage. Peu après surgit de nul part une grande agglomération urbaine : Bakou.
Les voitures ici ont la priorité absolue. Pour éviter la minimum interférence à leur circulation, les piétons sont contraints tous les 100-200 mètres de monter et descendre pour emprunter les passages sous-terrains (nous avons tenté de traverser la rue directement, mais un policier nous a direct repris et demandé nos passeports...). Depuis quelques jours, à ce qu'il paraît, même les vélos ne peuvent plus aller sur la route. « Vous devez aller sur le trottoir » nous indique un policier menaçant. Ils sont à chaque angle de rue, il n'y a pas moyen de leur échapper. Eyup, surpris de cette nouvelle réglementation, essaye de les faire raisonner « vous voyez bien qu'il y a des escaliers tous les deux mètres ? Comment faisons-nous avec les vélos ? » mais rien à faire, ils s'y opposent comme des mules, en suivant les ordres à la lettre et sans voir plus loin que le bout de leur nez. Me viennent en tête les mots de Silvano Agosti qui durant une de ses interviews disait : « ...pourquoi si demain nous nous réveillons et que la majorité décide qu'il faut couper un bras à tous les citoyens, nous nous devons nous couper un bras... ». Peut-être que le panneau à la frontière géorgienne avait raison : « Azerbaijan, bonne chance ». «Si tu as de l'argent tu peux faire tout ce que tu veux à Bakou » nous raconte Destan « tu peux tuer quelqu'un et t'en sortir, 250 000 dollars dans des mains bien choisis et le dossier est archivé ». Mais l'argent, on sait, tourne seulement avec d'autre argent et le peuple azéri bien que vivant dans un pays extrêmement riche en ressources naturelles (gas et pétrole) en bénéficie peu. « Jusqu'à il y a quelques mois 70% des entrant dérivé de l'extraction du pétrole allait à la British Petrolium et les 30 % restant à l’Azerbaïdjan . Maintenant les pourcentages se sont inversés, mais pour les citoyens rien a changé. Avant l'argent allait à la grande multinationale, maintenant elle va dans les poches de la famille du président » nous racontent le couple turcs lors d'une discussion.
Des milliers de jeunes remplissent les larges avenues de la capitale. « Que se passe-t-il ? Ils manifestent pour quoi ? Je demande à Eyup qui me répond : « Ici il est possible de manifester seulement pour exprimer une idée en faveur, tout ce qui va à l'encontre est «gentiment» réprimé (vu cela, cet article, par prudence, nous le publierons à la sortie du pays). Nous nous approchons de la foule, ce sont les volontaires des jeux olympiques européens. Quelqu'un a organisé pour eux cette journée afin de remercier le pays d'avoir accueilli un tel événement (belle spontanéité!?). Ils ont été payé quelques manat pour deux semaines de dur travail, ils devraient plutôt manifester pour un digne salaire, vu que deux millions de dollars ont été donné à Lady Gaga pour le temps d'une chanson. « Savez-vous qu'avec ce même argent dépensé pour les jeux olympiques européens (d'ailleurs hors de l'Europe!?!) il était possible de donner une maison à tous les sans abris du pays ? » je demande à l'un d'eux un peu pour provoquer. « ah, je n'y avais pas pensé » me répond-il avec la tête de quelqu'un qui ne s'était jamais posé la question auparavant.
Nous avons à peine eu la nouvelle que notre visa ouzbek est prêt. Au téléphone, l'unique personne qui parle anglais au port de Bakou nous confirme qu'un bateau cargo devrait partir aujourd'hui. Le compte à rebours est lancé. Nous traçons à la banque pour payer en manat les dollars à verser pour le visa. Nous nous séparons les tâches, les heures sont comptées. Je me fais une suée pour atteindre les ambassade sur la colline et nous faire déposer le tampon qui nous ouvrira les portes des prochains pays. Tiph va au port pour s'informer de l'heure de départ et éventuellement acheter les tickets. Nous chargeons en vitesse les quatre vélos (nous sommes en compagnie de Ginevra et John, qui comme nous ont obtenu leur visa aujourd'hui) dans le fourgon que Enes, un ami de Destan et Eyup, nous a gentiment organisé via son travail. Et hop ! Plus vite que la lumière ! Alat, nous arrivons !
Marco