Merci à Marco Totaro pour le montage.
De Marinaleda à Grenade, les agriculteurs ont planté le décor : oliveraies à perte de vue et parfois interrompues par quelques champs de… panneaux solaires, rien d’autre ne pousse. Malheureusement pour les cyclotouristes de passage, j’ai gouté pour vous mais les olives à peine cueillies ce n’est pas bon du tout ! Pas de quoi se nourrir en chemin ! Nous prenons de l’altitude : 851m et les oliviers sont toujours là à flan de montagne. Le 16 septembre 11h du matin, plus sales que jamais, nous entrons dans Grenade.
Aujourd’hui, au programme : bain dans la méditerranée ! Il y a un italien qui rêve depuis des mois d’une mer chaude et calme. Pour l’occasion, il réussit à se lever tôt ! Nous nous engageons dans une longue descente à travers la Sierra Nevada, un canyon interminable nous guide, magique ! A ce moment là nous ignorons ce qui nous attend. A l’approche de la côte, des champs d’avocatier émergent, puis ce sont des kilomètres carrés de plastiques qui recouvrent la montagne et le bord de mer. Horreur ! Comment est-ce possible ? Mais qu’y a-t-il sous ces plastiques ? Hé bien je suis désolée de vous l’apprendre mais ce sont principalement les melons, les poivrons et les tomates que nous mangeons toute l’année, y compris en hiver, provenance : Espagne. Les serres permettent de faire 3 récoltes par an. Pour noircir encore un peu plus le tableau, une autoroute est en pleine construction car en période de récolte ce sont maintenant 3000 camions par jours qui quittent la région, la route nationale ne suffit plus à absorber ce flux grandissant. C’est un désastre. Sans compter les rumeurs selon lesquelles ce sont des immigrés (parfois clandestins) sous-payés qui y travaillent dans de mauvaises conditions. Pendant les kilomètres de chemin parcourus entre les serres, je peux vous dire que ça sentait fort le produit chimique…alors imaginez dans les serres ! Nous étions partagé entre remonter la côte jusqu’en France ou bien tenter notre première expérience de bateau-stop pour atteindre la France ou l’Ialie. Vous l’avez compris, une centaine de kilomètre entre les serres nous a suffit, au port d’Adra nous tentons notre chance. On nous conseille le port d’Almerimar bien que selon le Yatch club d’Adra nos chances soient mince : 2 personnes, 2 vélos dont un couché ça fait beaucoup pour un bateau à voile. En plus, l’hiver arrivant, tous les bateaux viennent au port pour hiverner ou bien prennent la direction des Iles Canaries… et si on changeait de plan ? A Almerimar, on se lèche les babines, il y a tout plein de bateau à voile !!! Nous faisons beaucoup rire les gars de la capitainerie avec notre annonce et notre accoutrement. Nous leur demandons la destination de tous les bateaux qui entrent et sortent du port… 2 heures plus tard et la rencontre d’une tour de mondiste italienne, nous partons questionner les bateaux déjà au port. Personne à bord, bateau trop petit… Quand soudain : -Inconnu : « This is for lazy people » -Marco : « No, this is for intelligent people :) ! » - Inconnu : “Can I try ?” - Marco : “Sure ! Do you have a boat?” Une heure plus tard, nous dînons avec Igor et Griet dans le cockpit de leur bateau. Ils veulent aller en Sardaigne pour l’hivernage, mais le contact avec les ports est difficile car ils ne parlent pas italien. Il nous propose une cabine pour la nuit, demain nous les aiderons à appeler. Leur bateau s’appelle MissTerre “A sailing boat looking for a better world”. J’adore ! Rien n’est sur, mais nous rêvons déjà :) Tiphaine Il y a au sud de l’Espagne une commune qui fait quelque chose de très simple : elle utilise l’argent de ses habitants pour ses habitants ! Cet endroit s’appelle Marinaleda. « La maison est de celui qui l’habite vil est celui qui l’ignore le temps est au philosophe la terre à celui qui la travaille » Dimmi bel giovane (Dis-moi, beau jeune homme) - Francesco Bertelli (1871) Nous pédalons déjà depuis quelques jours en Andalousie et les collines verdoyantes du nord du pays ont laissé place à des immenses étendues de champs cultivés de céréales, tournesols, oliviers et coton. C’est une autre Espagne. Pour un bout de chemin, un cycliste nous tient compagnie et nous échangeons quelques mots. David : « Ici, on vit de la terre et la vie est plus simple. Les gens ne cherchent pas à faire de l’argent, ils cherchent plutôt à travailler moins. Ils ne seront pas riches, mais ils ont une qualité de vie élevée. » Il continue : « Les personnes prennent davantage part à la vie de la commune. S’il faut réparer un trottoir ils le feront. Ils ne resteront pas les bras croisés à attendre que quelqu’un fasse quelque chose. »
Marinaleda, cependant est une commune exemplaire en terme de gestion d’argent et donc des services offerts à ces habitants. Le droit à un logement, l’accès à des infrastructures sportives, le droit à l’expression et au travail ; ceci grâce à la mise en pratique des idéaux des personnages politiques de la commune. Quelques exemples dignes d’intérêts : - Les terrains de sports extérieurs et intérieurs sont d’accès libre. Seulement la piscine coûte 5€/an. - La crèche pour les enfants atteint le chiffre vertigineux de 12€/mois, cantine incluse. - Cerise sur le gâteau : la location d’un logement coûte 15€/mois. Le terrain est offert par la commune, la main d’œuvre, les matériaux et l’architecte sont payés grâce à un accord entre les communes et la région andalouse. La personne qui habitera le logement doit participer à la construction et payer les 15€/mois. - Les murs de la ville et une radio locale sont mis à disposition pour que chacun s’exprime librement. Une demande vient naturellement : comment font-ils pour financer tout cela ? Nous avons interviewé Dolores, conseillère municipale et présente à la manifestation de 1979 : « Une bonne gestion de l’argent et de la coopération sont fondamentales ». Marinaleda reçoit de l’état et de l’Europe la même somme d’argent que toutes les autres communes de la région. La règle est simple, tout ce qu’ils reçoivent ils le reversent pour financer les services, sans spéculation. (Je me demande : n’est ce pas là un fonctionnement normal ? Que font les autres communes alors ? ) Personne ne se fait d’argent sur celui de la commune. Tous reçoivent le même salaire, y compris le maire. Ils gagnent moins qu’ailleurs, c’est vrai, mais avec les services offerts ils dépensent moins. Par contre, nous avons noté que des thèmes tels que la consommation responsable, l’impact environnemental, l’éco-construction, l’autosuffisance énergétique et le développement durable en général, semblent être encore loin des débats. De plus, comme partout, aussi ici la nouvelle génération paraît perdue. Ils lèvent un peu trop souvent le coude, d’autre filent à toute allure dans leur voiture la musique à fond. Les anciens assis sur les bancs du parc ce dimanche résument ainsi : « Les jeunes, ils ne veulent pas travailler !!! » Marinaleda n’est pas un village « utopique » comme le définissent beaucoup, comme pour indiquer quelque chose de lointain, qu’on ne peut pas atteindre ; je le définirai plutôt « réel, concret » il existe et comme les autres, il a ses problèmes, il n’est pas parfait. Retenons ce qu’il y a de bon, gardons le mémoire.
Ces jeunes de 1979 ont lutté pour leurs idéaux et ces idéaux sont devenus réalité. Marinaleda est-il un modèle à prendre comme exemple ? Oui, en ce qui concerne la gestion de l’argent publique. Combien de temps cela durera-t-il ? Qui le sait ? Il suffit d’un passage de relai loupé, d’un quelconque élément perturbateur ou que ces valeurs ne soient pas transmises ou pas bien comprises par la nouvelle génération, et nous voilà de retour à la case départ. L’histoire se répète, n’est-ce pas comme cela depuis des siècles ? Marco Aujourd’hui c’est lundi, le local de Santa Cleta est ouvert. Belle surprise, l’endroit est chaleureux, lumineux, décoré avec beaucoup de goût et plein de bonnes idées. Finalement nous faisons la connaissance de Gonzalo et Isabel, qui nous hébergerons le soir même (un petit problème de téléphone nous a empêché de nous retrouver la veille). Ils mettent à notre disposition l’atelier de Santa Cleta pour retaper et nettoyer nos vélos ; ça tombe bien, j’ai cassé ma béquille il y a quelques jours… Santa Cleta est un projet qui me fait rêver. Isabel (33 ans) et Gonzalo (34 ans) l’ont fait, bravo à eux, ça n’a pas été facile. Isabel a travaillé dans la communication et l’administration pour diverses entreprises et Gonzalo était designer graphique et webdeveloper. Puis Gonzalo a perdu son travail, il décida alors de se tourner vers sa passion : le vélo. Un salaire à la fin du mois ne le satisfait pas, il veut vivre de ce qu’il aime, il est fatigué de faire tout le temps la même chose. A ce moment là, l’ambiance est plutôt morose en Espagne. Au moment où tout le monde part à l’étranger chercher du travail, ils décident de rester en Espagne et de réaliser leur rêve chez eux : Isabel veut voir Séville se remplir de vélo.
Santa Cleta est une réussite. Ce n’est pas un simple magasin, la coopérative a les activités suivantes: - atelier d’auto-réparation vélo : tous les outils sont mis à la disposition des adhérents Santa Cleta (20€/an) ; - stage de mécanique vélo pour savoir réparer une bicyclette de A à Z (proposé entre autre aux personnes au chômage, par l’intermédiaire d’association telle que la croix rouge) ; - Organisation d’évènements pour promouvoir le cyclotourisme, et l’utilisation du vélo en général (projection de film, présentation de voyage à vélo…) ; - bibliothèque avec des bouquins et des revues sur divers sujets : le vélo, l’écologie, le voyage… ; - Service de livraison à vélo - réparation de vélo ; - vente et location de vélo en tout genre (classique, tandem, vélocargo…) -…. et tant d'autres à consulter sur leur site internet : www.santacleta.com Mais Santa Cleta c’est aussi un espace d’échange, de partage de connaissances et d’expériences. Par exemple les dernières warmshower hébergées par Isabel et Gonzalo y ont présenté leur voyage : Cinénergie. Et Santa Cleta est un espace où l’on encourage le déplacement à vélo au quotidien. D’ailleurs SantaCleta est en lien étroit avec l’association A Contramano qui défend les intérêts des utilisateurs de la bicyclette à Séville. A ce propos, Manuel notre ange gardien est en lien avec A Contramano, car il y a quelques années la ville de Séville a procédé à des réaménagements urbains qui ont complètement isolés le quartier de San Juan où habite Manuel. Seules des voies rapides permettaient de relier San Juan au centre de Séville, aucun passage pour les vélos, ni les piétons ! Grâce à A Contramano et des personnes comme Manuel qui ont secoué la mairie de Séville, aujourd’hui il y a une belle piste cyclable reliant ces zones, et Séville a un réseau cyclable très dévelopé. Un rêve de cyclovoyageur :) Le hasard fait parfois bien les choses : le téléphone de Gonzalo ne recevant pas nos messages (sans aucune explication) cela a provoqué notre rencontre avec Manuel, l’artiste. Et pour notre dernière soirée à Séville nous sommes sortis en compagnie d’Isabel, Gonzalo, Fernando et Manuel, un nouveau contact s’est créé entre eux, et chacun est reparti avec des projets communs plein la tête !
L’Andalousie est réputée pour ses élégants chevaux. Un soir, à la sortie de Niebla, nous passons devant un centre hippique, peut-être pouvons-nous y dormir ? Les deux roumains qui y travaillent depuis sept ans nous font faire un tour des boxes, les chevaux sont magnifiques. Nous avons que l’embarras du choix pour poser la tente entre les manèges et ils nous mettent leur douche à disposition. Aujourd’hui, plus la peine de consulter la carte, tous les panneaux indiquent Séville. Le long de la route, dans un champ de tournesols un énorme taureau noir nous fait face ! Nous sommes bien en Espagne, en Andalousie ! Aux abords de la ville, des déchets partout et des visages peu rassurants nous font accélérer. L’arrivée en vélo, comme d’habitude, nous montrent tout de suite la face généralement peu connue des métropoles. Les routes sont inondées, nous avons à peine échappé à un déluge de 49L d’eau par m2. A cause d’une série de problèmes techniques, que nous découvrirons par la suite, Gonzalo et Isabel, le couple WarmShower qui devait nous héberger ne reçoit pas nos messages et donc ils ne savent pas que nous sommes arrivés à Séville. Nous nous replions vers leur magasin de vélo qui, évidemment, un dimanche est fermé. Nous sonnons à tous les appartements de l’immeuble mais ils n’habitent pas ici et personne ne connaît leur adresse. Nous nous rendons à l’évidence, nous devons trouver une autre solution. Cette idée me stresse un peu. Elle me rappelle, la situation d’il y a quelques mois quand nous nous sommes retrouvés en ville sans hébergement ; nous avons fini par dormir dans un jardin public, où nous avons passé une nuit presque blanche, entre risque de pluie, bruits étranges, un hérisson qui me chatouillait les pieds et le matin un chien qui, se rendant compte de notre présence sous les branches d’un arbre, nous réveille en sursaut aboyant. Mais notre ange gardien ne nous a pas oublié. Cette fois il apparaît sous la forme de Manuel. Alors que nous cherchons une connexion internet un cycliste passe. Il s’arrête quelques mètres plus loin et nous observe. Nos regards se croisent et Tiphaine en profite pour lui demander des informations. Manuel est un artiste, il parle italien, est un amoureux de Naples, un amant de la bicyclette et sensible à la nature. Incroyable, même en cherchant nous n’aurions pas trouvé un meilleur profil. Sur, c’était écrit que nous devions nous rencontrer. Il décide de nous héberger, et voilà notre problème résolu ! Le lendemain nous nous baladons, Séville est un petit joyau. Ces écoles de flamenco, ses petits bars à tapas s'alternent dans les ruelles, le palais Alcázar et le quartier juif, la magnifique place d’Espagne et bien sur la Cathédrale. Marco |
AuteursMarco + Tiphaine: VideonewsletterSUIVES NOUS SUR
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Janvier 2018
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