Il commence à faire sérieusement froid dans le coin et puis maintenant j'ai rendez-vous avec Sophie le 8 novembre à Chengdu. J'embarque pour 30h de bus qui m'évitera la steppe kazak et chinoise entre Almaty et Urumqi. Le bus a été aménagé avec des lits superposés, à chaque virage je crains qu'ils ne soient pas bien fixés aux parois, ça grince à chaque secousse. C'est tout de même confortable bien que je ne puisse pas étendre complètement mes jambes, ce n'est pas dimensionné pour touriste européen ! D'ailleurs tous sont curieux de savoir qu'est ce que je fais là toute seule. Une jeune fille kazak de 13 ans est très fière de pouvoir faire la traduction, elle parle très bien anglais. Je m'enquière de savoir pourquoi elle va en Chine et elle m'explique, sans se soucier de ce qui peut être dit ou pas, de toute façon personne ne nous comprend autour. Son père travaille là-bas et il ne peut pas sortir de Chine car il n'a pas de passeport et donc elle va lui rendre visite... Effectivement les ouïgours (chinois de la région d'Urumqi) ont plus de points communs avec les kazaks qu'avec les chinois des autres régions et beaucoup d'ouïgours ont pris la nationalité kazak (le Kazakstan ne reconnaît pas la double nationalité). Mais la situation était bloquée pour beaucoup car le gouvernement chinois ne leur permettait pas d'avoir un passeport et donc interdiction de sortir du pays ! Mais depuis quelques semaine la situation vient enfin de changer... Imaginez que toute votre vie on vous interdit de sortir de France... et pourtant c'est la situation de beaucoup de personne dans le monde; espérons qu'un jour chaque individu aura la liberté de circuler là où il le désire.
La frontière chinoise, tant redoutée par beaucoup de cycliste. Ce seront pourtant les kazaks les plus cupides, l'un d'eux m'isole du groupe du bus et me demande 10$ sans raison...je fais mine de ne pas comprendre et rejoins les autres sans me retourner. Nihao, bonjour la Chine ! L'alphabet cyrilique m'a donné du fil à retordre, mais après 5 mois en Asie centrale j'arrivais à deviner quelques mots et éventuellement lire un peu, mais alors là j'atteinds le summum de l'incompréhension avec la Chine... c'est du chinois ! Ahahah
Urumqi, me voilà lachée au beau milieu d'une ville chinoise de 2,3 millions d'habitants, sans gps ni vocabulaire chinois...je me sens complètement désemparée, perdue, mais qu'est ce que je fais là ? Pourquoi j'ai continué ce voyage toute seule ? Tu fais moins la maline maintenant... A cet instant, j'avoue, je rêve d'avoir un smartphone qui me dise là où aller. Rester calme, je m'assoie dans le premier restaurant que je vois, le temps de reprendre mes esprits et de prendre des forces avant de me lancer dans la jungle de cette mégalopole. Je commande un plat au hasard parmi les caractères chinois...mince ! ça arrache !! Il y a le feu dans ma bouche !!!
- Voir un contrôleur mort de rire en voyant votre « standing ticket » à l'entrée du train, puis horrifier en voyant que vous allez jusqu'au terminus : Chengdu.
- Etre à 100 dans un wagon pour 50 sièges
- Voir un contrôleur sortir des ficelles pour suspendre les sacs au porte-bagages déjà archi surchargés
- Se retrouver avec des chinois sympas qui font des rotations pour que chacun s'assoit un peu sur un « hard seat », puis un peu dans l'allée sur un bidon ou un mini-bidon pour les moins chanceux (les expérimentés du « standing ticket » emmènent leur nourriture dans des bidons).
- Se voir offrir des petites friandises chinoises type pattes de poulet sous-vide (ce n'est pas un truc de farce et attrape, c'est vraiment une patte de poulet!)
- Voir des mamans en galère pendant 48h avec leur bébé aux pantalons fendus sur leur genoux et qui essayent qu'il n'arrose personne au passage avant qu'elles n'accèdent au toilette.
- Le train qui s'arrête à une gare et personne ne descend mais des centaines de personnes attendent sur le quai pour monter (ils vont les mettre où ? Sur nos genoux?)
- Immaginer la richesse accumulée par le mec qui a inventé les boîtes de noodles instantanés. Chaque chinois de ce train en mange au moins une toutes les 5h qu'il va remplir d'eau bouillante au samovar à disposition et retourne à sa place en essayant par maintes acrobaties de ne pas brûler les gens assis dans l'allée.
- Finir avec des bleus aux genoux car le personnel du train passe avec son chariot ambulant pour vendre toute sorte de nourriture non identifiée même s'il faut écraser deux ou trois chinois au passage.
- Avoir fumé passivement des dizaines de cigarettes (les fenêtres ne s'ouvrent pas...et ils fument tous partout)
- Etre bercée aux sons des rots et des raclements de gorge suivi de jolis crachats (oui oui dans le train tout ça, les fenêtres ne s'ouvrent toujours pas!)
- Voir sa voisine s'arracher une fausse dent qui a commencé à se détacher et, victorieuse, la bouche pleine de sang, la déposer parmi les déchets dans l'écuelle qui sert de poubelle juste devant moi!
Tiphaine