Aigerim et son frère Bakhtiyar sont depuis peu inscrits au site CouchSurfing, nous sommes leurs premiers invités et ils nous ont réservé un bel acceuil. Elle, qui a étudié pour être médecin, travaille maintenant en tant que commerciale pour une multinationale du secteur pharmaceutique. Lui, passioné de langue et d'histoire, après des études d'anglais et grec antique, se retrouve à travailler pour une des grandes entreprises de pétrochimie locale. Nonobstant les compromis qu'ils ont dû accepter pour « s'adapter » au système, leur rêve de vivre dans un pays plus respectueux de l'homme est encore possible, ils veulent déménager à Strasbourg. Ils apprenent le français et lui, qui le parle déjà mieux que moi, l'a appris tout seul avec des bouquins.
A Aktau, l'eau du robinet est celle de la mer Caspienne déssalée. Pendant des années l'énergie nucléaire était utilisée par l'usine de déssalinisation, mais le Kazakstan une fois devenu indépendant n'a pas su quoi faire de ses déchets nucléaires et est passé aux énergies fossiles (que faisaient les russes des déchets....?). Cepandant nous ne pouvons pas boire cette eau qui a une odeur bizare. Avec nos hôtes nous partons au supermarché pour faire des provisions d'eau minérale. Ici, les hommes aux cheveux longs bouclés et avec la barbe sont plutôt rares, des gens m'interpellent pour me demander de faire une photo avec eux. Nous sommes dans la ville la plus cher du Kazakhstan, ici tout est importé. Je souris tout de même lorsque dans le rayon des vins je vois des bouteilles de Lambrusco et de Nero d'Avola vendues entre 20 et 30 euro l'une.
Les vélos grincent et ondulent sous le poids des 20 litres d'eau et des réserves de nourriture. D'un coup notre chargement a augmenté de 50%, nous avons l'impression d'avancer avec le frein à main serré. Désormais, d'Aktau j'en vois seulement des petits cubes dans le lointain, à l'extérieur de la ville il n'y a rien, nous sommes aux portes du désert! Ils nous scrutent avec leur grands yeux, et nous suivent du regard en tournant leur long cou, ils bougent la machoire inférieure une fois à droite puis une fois à gauche, comme s'ils mâchaient un chewingum, quelles têtes! Ce sont des dromadaires et des chameaux qui n'ont pas tardé à faire leur apparition. Sur plusieurs kilomètres, des centaines de pompes extraient l'or noir. Leurs mouvements, lents et réguliers, font tourner le monde plus vite. Je ne les avais jamais vu de mes propres yeux.
Les distances et la fréquence des habitations ont changé et il faut parcourir 150km pour atteindre le premier village où des amis d'amis d'Aigerim et Bakhtiyar nous accueillent. Derrière la maison se trouvent les chameaux tout comme en Europe on aurait des vaches. C'est étrange pour moi, jusqu'à maintenant j'avais observé ces animaux seulement aux spectacles de cirque. Ils l'appellent « schubat », nous en descendons un bon litre et demi et récupérons ainsi toute l'énergie dépensée dans la journée, le lait de chamelle fermenté ça nourrit ! C'est la boisson nationale, elle est considérée comme de la viande d'un point de vue nutritif. Une chamelle donne 6 litres de lait par jour. Vu le prix auquel il se vend (presque 2,5€/L), 5L est prélevé et seulement 1L reste pour le petit chameau, cinq bêtes et tu as déjà un beau business. Le petit est tenu en ottage pour que les mères reviennent à la maison après être parties pêtre ; il est libéré pendant la traite, sa tâche est de stimuler les mammelles pour la descente du lait.
Alors que les hommes sont tranquillement étendus à terre à ne rien faire, dans l'autre pièce la belle-fille est occupée à tout faire. Ici la femme ne porte pas le voile, mais avec le mariage elle signe la fin de sa liberté ou du moins de son temps libre. Par « tradition », elle va habiter chez sa belle-famille où frères, sœurs et parents vivent tous sous le même toit. Toujours par tradition, même si elle a un travail, c'est elle qui a le devoir de s'occuper des enfants, faire le potager, traire les chamelles, nettoyer la maison et préparer à manger pour tout le monde. La belle-mère est bien contente de celle nouvelle venue à laquelle est passe le témoin de « bonne à tout faire », elle peut enfin à son tour ne plus lever le petit doigt à la maison.
A propos des chameaux tombe un mythe : à table, entre deux discussions, nous apprenons que ce qu'on nous a raconté étant petit n'est pas vrai : dans leurs bosses il n'y a pas d'eau, mais des réserves de gras... Le choc est tel que le jour où j'ai appris que le Père Noël n'existe pas !
Marco